La commercialisation prochaine, aux Etats-Unis, d’un anticancéreux à 475 000 dollars fait débatEn annonçant un prix de 475 000 dollars (environ 397 400 euros) pour le dernier-né de ses anticancéreux, le géant pharmaceutique suisse Novartis place la barre très haut. Depuis plusieurs années, payeurs, médecins et patients s’affolent de l’envolée des prix des traitements, avec un ticket d’entrée à plus de 100 000 dollars pour les nouvelles » immunothérapies « . Ce nouveau record relance la polémique. Approuvé le 30 août par la FDA, l’agence américaine du médicament, le Kymriah consiste à reprogrammer les cellules immunitaires du malade – les lymphocytes T – pour attaquer les -cellules cancéreuses. Baptisées » CAR T-cells » dans le jargon, ces cellules ne sont pas des médicaments comme les autres : chaque lot doit être fabriqué sur mesure pour chaque patient, à un coût astronomique.Aux Etats-Unis, le Center for Biomedical Innovation duMassachusetts Institute of Technology (MIT) dénombre plus de 600 thérapies géniques et cellulaires en développement. Celles qui atteindront le marché devraient être lancées avec un prix du même ordre que celui du Kymriah de Novartis. Au-delà du coût de fabrication, les laboratoires avancent différentes explications pour justifier leur positionnement. Dans la mesure où elles ciblent des cellules bien précises, le nombre de patients » répondeurs » définit un marché très limité. Leur mode d’action – une modification durable du système immunitaire – est une autre variable dans cette équation complexe. » Avec les médicaments classiques, dans le cadre d’une maladie chronique, la dépense est lissée sur plusieurs années. Là, elle est immédiate « , explique John Glasspool, qui pilote au MIT une réflexion sur les modes de financement et de remboursement de ces médicaments innovants.
Pour mieux faire passer la pilule, Novartis s’engage à ne pas facturer le traitement en cas d’échec. Ce principe de » satisfait ou remboursé » est une » bonne façon d’avancer « , juge M. Glasspool » car il tient compte de la valeur du médicament pour le patient et pas seulement du coût de la recherche et développement ou de la production « . Mais il reste de nombreux points d’interrogation concernant ce système testé par différents laboratoires. » Recueillir des données en vie réelle est déterminant pour apprécier l’efficacité d’un médicament au-delà des études cliniques « , souligne l’expert du MIT.La question se pose pour tous les nouveaux anticancéreux. Premier à commercialiser un traitement par CAR-T cells, le laboratoire suisse a été devancé sur ce créneau très lucratif des immunothérapies, par les américains Bristol-Myers Squibb et Merck.
« Une fiction négociable » Appartenant à une autre classe de médicaments – appelés couramment » anti-PD1 » -, leurs produits respectifs, Opdivo et Keytruda, avaient donné le ton : un an de traitement coûte aux Américains jusqu’à 150 000 dollars par an. Prescrits aux patients atteints de cancer de la peau ou du poumon très agressifs, leur effet peut être spectaculaire chez certaines personnes, mais se révèle limité pour la majorité des patients.Dans ce contexte, » les prix sont aujourd’hui largement des fictions négociables visant à exploiter au maximum les capacités de paiement d’acheteurs dispersés, mal informés et sous pression sociale « , estime Francis Megerlin, professeur à l’université de Strasbourg, qui étudie l’impact des médicaments innovants sur les systèmes de santé.
Le Kymriah n’est pas encore approuvé en Europe, mais Novartis devrait déposer une demande d’ici à la fin de l’année. D’autres laboratoires sont dans les starting-blocks. S’ils se félicitent de l’arrivée de ces nouvelles options thérapeutiques, les médecins s’interrogent sur les éventuels arbitrages qu’il faudra faire pour les financer. » Les coûts d’administration de ces traitements sont faramineux : aux 475 000 dollars payés pour le médicament lui-même, il faudra ajouter 150 000 à 200 000 dollars pour la prise en charge du malade. On nous demande de faire des économies, mais tout ce que l’on peut faire est dérisoire face à de tels montants « , estime le Pr Christian Chabannon, responsable du centre de thérapie cellulaire de l’Institut Paoli-Calmettes, à Marseille. » A ce niveau-là, la toxicité pour les systèmes de santé devient aiguë. « L’Institut Curie, l’un des plus grands centres français de lutte contre le cancer, publie, jeudi 7 septembre, un sondage sur la perception qu’ont les Français des coûts des traitements. » Ils n’en ont aucune idée, mais ont bien en tête que l’inflation des prix pourrait remettre en cause le principe d’égalité d’accès aux soins « , souligne le docteur Thierry Philip, président de l’Institut Curie.
Les dépenses de l’Assurance-maladie dans le cancer (16,7 milliards d’euros au total en 2015) restent principalement liées aux hospitalisations et aux traitements » classiques » (chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie avec des molé-cules anciennes), mais l’essentiel de la hausse des dépenses vient de ces médicaments onéreux, avec un surcoût qui pourrait atteindre 1 à 1,2 milliard d’euros par an dans les prochaines années, selon une estimation d’Agnès Buzyn, la ministre de la santé, publiée, en février 2017, dans le rapport » Prix et accès aux traitements médicamenteux innovants » du Conseil économique, social et environnemental. Chloé Hecketsweiler – Le Monde – 7 septembre 2017 16,7 milliards d’euros. C’est le coût annuel de la prise en charge des cancers en France, en 2015, selon le rapport Charges et produits 2018 de l’Assurance-maladie. Une dépense en hausse de 3,9 % en un an.
Chloé Hecketsweiler – Le Monde – 7 septembre 2017
16,7 milliards d’euros
C’est le coût annuel de la prise en charge des cancers en France, en 2015, selon le rapport Charges et produits 2018 de l’Assurance-maladie. Une dépense en hausse de 3,9 % en un an.